Comment la communication interne peut-elle contribuer à l’engagement des collaborateurs ? C’est le sujet sur lequel je suis intervenue, le 29 juin 2023, devant une quarantaine de communicants, lors d’une conférence organisée par Madmagz Agency Pour le traiter, j’ai d’abord voulu replacer cette problématique dans le contexte actuel.
Une nécessaire et difficile transition
Nous vivons dans un monde en crise(s) (climatique, énergétique, sociale, géopolitique, …) qui nous placent face à une responsabilité historique : mener la transition vers d’autres modèles de production, de consommation, de modes de vie afin d’offrir un avenir à notre planète et nos enfants. La crise du Covid a contribué à accélérer les prises de conscience – collectives et individuelles – car elle a permis une prise de recul et de distance par rapport à nos fonctionnements habituels. Mais la période post-covid a montré que l’ »ancien monde » résiste, notamment dans le domaine professionnel. Mis à part quelques aménagements (comme la généralisation du télétravail), peu de grands changements se sont produits dans les entreprises.
Finalement, face à cet impératif de transition, nous vivons actuellement une « courbe du deuil”, avec ses différentes phases : déni, colère, résistance, tristesse. Mais nous ne vivons pas tous ce deuil de la même façon et pas de façon linéaire. Ceci génère des paradoxes auxquels les entreprises sont confrontées : un besoin d’autonomie et une demande de leadership fort, une tendance à un repli sur soi (chez soi) et une demande de collectif, une attente d’information (voire de transparence totale) et un rejet de l’infobésité. Il est clair que cette complexité requiert beaucoup d’accompagnement des individus et des collectifs.
Crise du travail ou crise de l’entreprise ?
On a beaucoup parlé ces derniers mois de “crise du travail”. Certains – comme le politologue Jérôme Fourquet – ont même parlé d’une “épidémie de flemme”. Qu’en est-il vraiment ? Rappelons tout d’abord que le travail occupe une place centrale dans la construction de soi et l’intégration à la société, tout particulièrement en France. On en attend beaucoup : une rémunération bien sûr, mais aussi de la reconnaissance, du développement personnel, voire de l’épanouissement. Avec une attente aussi forte, quand le travail n’est pas à la hauteur, la déception est d’autant plus grande. Mais je suis persuadée que c’est moins le travail qui déçoit actuellement que la façon dont on le réalise, le cadre organisationnel dans lequel il se déploie.
Cette difficulté de l’entreprise à se réinventer, l’accélération et la multiplication des projets, la perte se sens conduisent à des phénomènes divers : quitting, désengagement passif, épuisement professionnel.
Car nos organisations ont encore – globalement – des modes de management assez verticaux et directifs. Des initiatives ont été lancées pour faire évoluer ce modèle mais elles concernent souvent des éléments « périphériques » au travail et non son organisation. Car celle-ci est beaucoup plus difficile à changer. Les contraintes sont fortes, les freins réels. Cette difficulté de l’entreprise à se réinventer, l’accélération et la multiplication des projets, la perte de sens conduisent à des phénomènes divers : quitting, désengagement passif, épuisement professionnel. Bien sûr il convient de les analyser avec précaution car ils sont aussi liés à des facteurs individuels. Cependant, ils viennent conforter ce qui peut être observé depuis plusieurs années : nombre de salariés ne sont plus satisfaits de l’expérience de travail proposée par leur entreprise.
Alors, face à ce constat d’une crise de l’entreprise – plutôt que du travail – quels enjeux pour la communication interne ?
Le triptyque de l’engagement : sens, vision et collectif
Au cœur de l’expérience de travail se trouve la question du sens qu’on y trouve. La perte de ce sens « attaque » les individus qui finissent par se mettre à distance pour se protéger et donc se désengagent. Le premier enjeu est donc d’aider les salariés à retrouver ce sens. Or celui-ci se construit dans la rencontre entre un récit collectif et un vécu individuel. Il s’agit donc pour le communicant de faire ce récit en veillant à ce que celui-ci soit ancré dans la réalité du travail et que les salariés puissent plus aisément s’y projeter.
Les salariés ont également besoin d’une vision qui les aide à traverser plus facilement cette période de transition. Il s’agit de raconter où on souhaite aller ensemble mais aussi – et surtout – comment on y va, quel est le chemin emprunté. On le sait, le récit des avancées, des « petits pas » est essentiel. Il motive, soutient les efforts, donne du sens à l’engagement des collaborateurs.
Pour « retisser les liens », il faut permettre aux salariés de se connaître, de se rencontrer, d’échanger. Il faut également célébrer le travail collectif.
Par ailleurs, alors que le travail a été fortement individualisé et que les organisations demeurent assez cloisonnées, les salariés ont besoin de retrouver du collectif. C’est un enjeu managérial bien sûr, mais aussi un enjeu de communication car, pour retisser les liens, il faut permettre aux salariés de se connaître, de se rencontrer, d’échanger. Il faut également célébrer le travail collectif.
On le voit, la question de l’engagement des salariés dépasse largement le champ de la communication interne. Mais ceci ne signifie pas que le communicant est impuissant. Bien au contraire il peut être l’un des artisans de la refondation des entreprises et du réenchantement du collectif.