Les tensions sur la fourniture et les tarifs de l’énergie ont fait émerger de nouvelles inquiétudes dans les entreprises : celle de devoir réduire, de façon partielle ou complète, son activité de production (les entreprises industrielles « énergivores » étant plus particulièrement concernées), celle de voir flamber sa facture énergétique et donc ses coûts de production, mais aussi une inquiétude plus sourde quant aux réactions des salariés face à cet appel à la « sobriété énergétique » au bureau. Ceci dans un contexte déjà délicat du fait de l’inflation et des revendications salariales qui y sont liées.
S’il est impossible pour quiconque – gouvernement, entreprises, particuliers – de nier que la situation actuelle nécessite des mesures drastiques, les entreprises doivent se garder de tomber dans deux écueils :
- le premier serait d’amalgamer deux enjeux. L’un, à court terme, est lié à la tension sur le marché de production et fourniture d’énergie du fait du contexte géopolitique mais aussi – pour la France – des mises en maintenance d’un certain nombre de centrales nucléaires. Le second enjeu, à moyen/long terme, concerne la nécessaire accélération de la transition énergétique afin de limiter l’impact de nos activités sur le climat et l’environnement. Bien sûr, les deux sujets sont liés mais il serait dangereux de communiquer, cet hiver, sur des mesures de gestion (ou prévention) de crise énergétique en les présentant comme un simple volet d’une stratégie RSE long terme. Les salariés ne seraient pas dupes et auraient le sentiment d’une forme de « greenwashing ». Attention donc à bien faire la pédagogie des actions, en distinguant les objectifs court terme des objectifs long terme, les enjeux économiques des enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux.
- par ailleurs, la communication interne autour de la sobriété va intégrer – ou plutôt remettre au goût du jour – des messages concernant des mesures collectives et individuelles de réduction de la consommation énergétique. Dans certaines organisations, il a déjà été annoncé une baisse de la température-cible dans les bureaux. « Couvrez-vous bien ! » est en passe de devenir le slogan interne de l’hiver, au même titre que « Eteignez les lumières en partant » et « Limitez vos impressions ». Or, on touche ici au confort et à l’environnement de travail du salarié et, au-delà, on attend une modification de ses comportements au travail. Comme pour tout changement, une communication d’information et de pédagogie est nécessaire, mais non suffisante. Il est indispensable d’y adjoindre une communication incitative, d’accompagnement au quotidien, aidant à introduire et ancrer de nouvelles habitudes. Un recours aux techniques de « nudge », comme cela a pu être fait dans le domaine de la sécurité au travail, pourra être très utile.
On le comprend, cet effort demandé aux salariés ne fonctionnera que s’il existe un engagement collectif et solidaire, une cohérence dans les actes et les discours et une exemplarité du management. Là encore, la communication interne permettra de valoriser ces éléments. Et n’oublions pas que nous vivons également les effets d’accélération de la crise Covid, avec un rapport au travail qui s’est considérablement modifié pour beaucoup d’entre nous. La transition énergétique et écologique peut être un levier de renforcement du collectif et de « réenchantement » du monde du travail, si elle permet de remettre du sens au cœur de l’entreprise. Et à condition qu’elle s’accompagne d’une transition réelle vers de nouveaux modèles d’organisation, de management et de communication.