Les communicants le savent bien : à l’heure de l’infobésite et de la perte de sens au travail, le manager est leur meilleur allié. Car qui mieux que le manager peut aider le salarié à retrouver des repères – et donc du sens – dans le flux continu d’informations et de projets qu’il reçoit quotidiennement ? La multiplication des canaux d’information (interne et externe) a généré une situation paradoxale : la salarié n’a jamais eu autant de sources d’information et pour autant ne s’est jamais senti aussi peu informé. Pourquoi cela ?
D’abord, sans doute, du fait d’un manque de pilotage éditorial. En répondant à quelques questions-clés (que souhaitons-nous dire ? À qui ? Par quels canaux ? Et, surtout, pourquoi ?), une stratégie éditoriale sert de boussole et de filtre. En son absence, les communicants se retrouvent souvent à produire à la chaîne des contenus qui viennent alimenter les intranets, newsletters et autres médias. Cette activité est chronophage pour eux et crée un volume d’information toujours plus fort, et non ciblé, face auquel le salarié se sent dépassé, et dont il finit par se détourner.
Autre explication à cette perception des salariés d’être peu ou mal informés : leur entreprise ne leur parle pas de ce qui compte pour eux, c’est à dire ce qui leur permet de bien faire leur travail et d’y trouver du sens. Dans les audits internes, les salariés expriment le besoin de savoir où va l’entreprise, quelle est sa stratégie. Mais ils n’attendent pas de discours théoriques. Ils souhaitent connaître leur contribution concrète à cette stratégie. Ils ont besoin de se situer et de savoir – de façon explicite – quelle peut être leur valeur ajoutée. Une autre attente forte des salariés est de mieux connaître leurs collègues. Du fait de la succession des réorganisations internes et du fonctionnement encore cloisonné de la plupart des organisations, les salariés ne savent plus qui fait quoi, à qui transmettre telle information, à qui la demander. Ils se sentent isolés et parfois étrangers à une entreprise dont le discours est désincarné.
Pour autant, le manager n’est pas un super héros. […] L’entreprise a exigé beaucoup de lui ces dernières années sans toujours bien l’accompagner. Le communicant en subit les conséquences : quand il demande au manager de l’aider à communiquer, il se retrouve souvent face à la passivité, voire l’hostilité, d’une bonne partie des managers.
Quid du manager dans tout cela ? Celui-ci peut jouer un rôle de traducteur du discours global de l’entreprise afin que son équipe arrive se l’approprier. Il est un passeur entre la vision globale et la vision opérationnelle. C’est ainsi qu’il « prend le relais du communicant » dans la dernière ligne droite qui mène au collaborateur.
Il a également la capacité de faciliter la mise en relation entre les membres de son équipe et le reste de l’entreprise. Il est donc au cœur des enjeux de communication interne : articuler l’individuel et le collectif.
Pour autant, le manager n’est pas un super héros. Il a aussi ses perceptions, ses ressentis, ses émotions. L’entreprise a exigé beaucoup de lui ces dernières années sans toujours bien l’accompagner. Le communicant en subit les conséquences : quand il demande au manager de l’aider à communiquer, il se retrouve souvent face à la passivité, voire l’hostilité, d’une bonne partie des managers. Alors, par souci d’efficacité, il choisir de “faire sans” le manager et de miser sur une communication interne directe, descendante, tout en ayant bien conscience que celle-ci ne garantira ni la compréhension, ni l’appropriation des contenus.
Il est essentiel de traiter les managers comme un public privilégié, en leur donnant une information de qualité, avec un temps d’avance, et en prenant le temps d’organiser des échanges autour des sujets importants.
Comment sortir de cette impasse ? Il n’y a pas de recette miracle (comme toujours en communication interne), mais quelques pistes. D’abord, il est essentiel de traiter les managers comme un public privilégié, en leur donnant une information de qualité, avec un temps d’avance, et en prenant le temps d’organiser des échanges autour des sujets importants. Une newsletter ou une app ne remplacera jamais l’écoute et le dialogue. Ensuite, il est indispensable d’accompagner les managers dans cet exercice difficile de communication. Il ne s’agit pas seulement de les former, même si cela peut être utile dans certains cas. Il faut surtout leur donner les clés de la posture de communication : écoute, pédagogie, ouverture. Pour y arriver, l’exemplarité (du communicant, mais aussi des dirigeants) est clé. Mais elle ne suffit pas : les managers ne peuvent progresser sur ce chemin qu’ensemble. Il faut donc les aider à former une communauté managériale apprenante, fondée sur l’expérimentation et l’entraide. Seul le soutien de ses pairs permet au manager d’accepter de travailler sur ses limites de communicant.
La feuille de route semble ardue. Et pourtant, au bout du chemin, se trouve la nécessaire simplification de la communication interne, le retour à l’essentiel : moins de contenus de communication et plus d’échange. Pour le communicant et le manager, la promesse est belle : passer d’un rôle de producteur à celui de facilitateur. L’essence même de leurs fonctions.