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Communication interne : et si on lâchait prise ?

1 Oct, 2019 | COMMUNICATION INTERNE | TOUS

Vendredi 27 septembre, j’assistais à une rencontre organisée par l’Association française de communication interne (Afci) sur le métier de communicant interne. Y étaient présentés les résultats d’une grande étude menée par cette association à l’occasion de son trentième anniversaire. A la suite des différentes interventions, nous avons pu échanger en petits groupes, entre participants. L’un des thèmes abordés au sein de mon groupe a été la difficulté rencontrée par le communicant interne à s’éloigner des outils (et de la production des contenus) pour pouvoir consacrer plus de temps à d’autres dimensions de son métier (écoute, conseil au management, animation de communautés, …). Cette difficulté, je la constate dans le cadre de mon activité de conseil, et je l’ai vécue lorsque j’étais responsable communication en entreprise. Même si nous – communicants internes – savons que l’essence de notre métier est la relation et qu’il faut donc consacrer du temps au dialogue et à l’écoute, nous restons quotidiennement « happés » par les newsletters, intranets, réseaux sociaux et autres dispositifs de plus en plus nombreux et sophistiqués.

Finalement, cette activité de production intense, et difficile – voire impossible – à gérer pour les communicants, ne masque-t-elle pas un besoin de maîtrise de la communication interne ?

A ce constat, il est possible d’apporter un premier niveau de réponse : assurer la production et la circulation de l’information reste une mission essentielle du communicant interne. Or, cette information est de plus en plus dense et nécessite du temps, beaucoup de temps, pour la traiter. Constamment sollicités par nos dirigeants et collègues, comment dire non aux demandes de traitement de leurs informations ? Ce serait prendre le risque de les contrarier, de ne pas répondre à leur besoin sous-jacent de reconnaissance, voire de mettre à mal la relation que nous entretenons avec eux. Mais est-ce bien la raison principale qui nous pousse à produire et publier toujours plus de contenus éditoriaux, au risque d’aggraver l’infobésité présente dans nos entreprises et de détourner notre lectorat interne de nos publications ?

Finalement, cette activité de production intense, et difficile – voire impossible – à gérer pour les communicants, ne masque-t-elle pas un besoin de maîtrise de la communication interne ? Car refuser de produire un énième article pour l’intranet, même poliment et de façon argumentée, c’est prendre un risque. Le risque que cette information soit traitée autrement, par quelqu’un de moins expert en communication interne, quelqu’un qui ne saura peut-être pas véhiculer les bons messages, utiliser les bons mots, … Laisser les autres communiquer seuls, c’est bien sûr prendre le risque de ne plus avoir une communication « alignée », de laisser s’exprimer des points de vue différents, de perdre le contrôle de ce qui se dit sur l’entreprise, dans l’entreprise. Comme les communicants externes l’ont perdu depuis longtemps sur ce qui se dit à l’extérieur de l’entreprise. Et, cela, soyons francs, nous n’y sommes pas encore prêts. Et nos dirigeants encore moins…

C’est très injuste et, les communicants internes le savent bien, la part la plus utile de leur métier, celle qui fait le plus « sens » pour eux, n’est presque jamais connue et reconnue.

En allant un peu plus loin, on peut avancer une autre explication : diminuer la production éditoriale de l’équipe en charge de la communication interne revient à diminuer la visibilité de son activité. Car, en y réfléchissant bien, les autres dimensions du métier (écoute, conseil au management, animation de communautés, …) sont peu visibles, voire complètement masquées. Or l’organisation actuelle des entreprises ne valorise pas ce qui ne se voit pas, encore moins ce qui ne se mesure pas. C’est très injuste et, les communicants internes le savent bien, la part la plus utile de leur métier, celle qui fait le plus « sens » pour eux, n’est presque jamais connue et reconnue. Ce que citent les dirigeants et les collaborateurs lorsqu’on les interroge sur les missions de la communication interne, ce sont les outils, les événements, les productions. Le reste leur est indispensable mais, bien souvent, ils n’en ont pas conscience.

Alors, que faire ? Continuer à produire toujours plus, en sachant pertinemment que cela ne contribue pas à l’efficacité réelle de la communication interne ? Ou bien rééquilibrer notre activité en prenant le risque de s’ « invisibiliser » au sein de l’entreprise, d’être questionné, voire remis en cause sur son utilité ? Il n’y a pas de réponse simple et universelle à cette question, mais il existe peut-être un chemin pour avancer : celui du lâcher-prise. Que ce soit dans notre vie professionnelle ou personnelle, la volonté de maîtrise est souvent une réaction de défense face au changement. Une posture qui nous empêche de nous ouvrir à la nouveauté et de nous connecter aux autres. Aussi rassurante qu’elle puisse paraître, la volonté de maîtriser la communication interne, à travers une production intense, est tout aussi nocive à terme. Elle crée chez les communicants un sentiment de frustration et de non-réalisation de soi. Et surtout elle entrave la nécessaire transformation – individuelle et collective – de ce métier. Car c’est bien de cela dont il s’agit : notre métier de communicant interne est en pleine transformation. Ceci provoque des résistances, des tensions internes (au sein des entreprises et en chacun de nous). Mais, doucement, si nous apprenons à lâcher prise, nous pourrons vivre et accompagner cette transformation. Et le sens de notre métier apparaîtra alors clairement, rendant incontestable son utilité sociale et permettant à chacun de retrouver sa juste place.

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