En entreprise, comme en société, la question du « vivre ensemble » – et au-delà du « faire ensemble » – est cruciale. Elle est liée à de nombreux facteurs, le plus déterminant étant certainement les représentations qu’on peut avoir de l’Autre, et notamment de l’Autre quand il est perçu comme « différent ». C’est tout l’enjeu de la lutte contre les discriminations et en faveur de l’égalité professionnelle. Ces sujets sont difficiles mais passionnants. J’ai la chance de les travailler dans le cadre d’enquêtes internes « égalité-diversité » réalisées pour des clients, en partenariat avec Florence Garrigues et Sondes Sahraoui. Ces missions m’ont permis de tirer deux enseignements que je partage avec vous.
Affirmer une volonté politique et poser des actes managériaux
Le premier est que l’action dans ce domaine doit être portée et incarnée par les dirigeants. Pourquoi ? Car seule une volonté politique claire et affirmée permet de faire évoluer des fonctionnements souvent très ancrés dans les organisations. Il s’agit de dire – et de prouver par des actes managériaux – que la lutte contre les discriminations et en faveur de l’égalité professionnelle est un engagement fort de l’entreprise. Cet engagement ne peut être seulement un volet de la politique RSE. Il doit être l’un des fondements du modèle de gouvernance et de management de l’entreprise et donc se retrouver dans toutes ses politiques et ses projets. Par ailleurs, on le sait, l’exemplarité dans ce domaine est clé. Les pratiques managériales constituent des éléments de preuve. Dans toutes les enquêtes que je mène, les verbatims des collaborateurs reflètent une attente d’exemplarité de la part de l’équipe de direction et, plus largement, du management.
Remettre en question les croyances
Le second enseignement est le suivant : l’égalité de traitement et le respect de la diversité doivent être encouragés et encadrés par des règles (et la loi bien sûr), mais cela ne suffit pas. Car les pratiques discriminantes sont intimement liées à des représentations collectives et individuelles. Celles-ci sont autant de croyances forgées au sein du cercle familial, amical, culturel dans lequel a évolué l’individu. Côté entreprise également, des croyances se constituent et se transmettent à travers son histoire, son management, sa culture. Or une croyance – qu’elle soit collective ou individuelle – ne disparait pas sous les encouragements ou la contrainte. Elle doit être mise au jour, puis questionnée et enfin remplacée par une autre croyance. Si l’on veut s’attaquer aux racines des discriminations et de l’inégalité de traitement, il est nécessaire d’encourager les individus et les collectifs à prendre conscience de leurs représentations et à les remettre en cause. Sur ce point, la communication peut jouer un rôle essentiel, en favorisant la réflexion et en permettant d’ouvrir le dialogue. Car c’est aussi à travers le dialogue que peuvent se déconstruire les représentations qu’on a de l’Autre, les préjugés, les peurs.
Cet engagement pour l’égalité et la diversité dépasse bien sûr le cadre de l’entreprise. Il est l’un des principes fondateurs de notre citoyenneté et de notre capacité à ‘faire société ». Mais c’est aussi un levier de progrès pour nos organisations car il ouvre potentiellement une nouvelle ère de gouvernance et de management. Une ère dans laquelle la diversité enrichit infiniment plus que l’homogénéité, dans laquelle la différence devient une source d’innovation. Sur ce sujet, je vous invite à lire ou relire le très bel ouvrage de Norbert Alter, La force de la différence : itinéraire de patrons atypiques, dans lequel il explique comment le fait d’être « différent » donne un regard distancié sur l’entreprise et alimente finalement la capacité d’agir.