Sylvaine Pascual, coach spécialisée dans le plaisir au travail et la reconversion (Ithaque coaching)
La crise sanitaire et le confinement ont développé la communication à distance entre salariés. Quels en sont les impacts possibles à court et moyen terme ? Sur le long terme, je ne peux pas répondre car cela va dépendre de nombreux facteurs. Ce qui est certain, c’est que la communication à distance peut conduire à une déshumanisation de la communication. On l’a constaté avec l’usage des mails. Le « bonjour » disparaît parfois. L’usage du « merci de … » masque une injonction et distribue des ordres de façon un peu sournoise. Ce type de communication peut avoir un effet délétère sur les relations. Il faut veiller à ne pas paraître mécanique, éviter les automatismes. Car cela est perçu comme un manque d’authenticité. Le contexte actuel mérite que chacun s’interroge sur sa façon de communiquer, les changements induits par le travail à distance, les bénéfices ou les effets négatifs.
Pour beaucoup de salariés, une communication régulière avec leurs managers et collègues est devenue essentielle. Ils attendent notamment une communication informelle, de soutien, de présence. Ce qui est sûr, c’est que le besoin de lien est fondamental. Souvent, on prend conscience de ce qui est précieux quand on en est privé. Dans la situation de manque actuel, on augmente – y compris entre collègues – des modes de relations conviviales. On prend des nouvelles les uns des autres. Les managers font des efforts pour prendre soin de leurs collaborateurs. Ils ont tous conscience que la situation est difficile et ils essaient réellement de savoir si les choses se passent bien et dans quelle mesure ils peuvent aider. On constate aussi que les gens ont plus recours au téléphone qu’avant. Est-ce que c’est lié au fait qu’on a le temps ? Est-ce que cela va durer ? On ne peut pas l’anticiper, mais on peut se questionner sur ses propres besoins. En temps normal, est-ce que mon besoin de lien est suffisamment nourri ? Certains vivent cette période de confinement comme une opportunité et d’autres la subissent davantage. Hormis les contextes de travail à distance plus ou moins favorables, qu’est-ce qui peut expliquer cette différence de perception ? Cela dépend de nos émotions qui sont directement en relation avec nos besoins. Nous sommes tous dans un sentiment de temps suspendu, mais chacun a réagi différemment à la situation. Nous avons subi une vraie secousse, dont certains sont sortis assez vite pour réorganiser leur vie, alors que d’autres restent coincés dedans et d’autres encore vivent des hauts et des bas. Tout cela nous ramène à la façon dont nos besoins sont comblés ou pas. Nous traversons actuellement des émotions de toutes sortes auxquelles nous avons peu l’habitude de faire face. Il n’y a pas de règle à suivre pour le vivre mieux. L’important est de s’écouter, d’apprendre à reconnaître ses émotions, à mettre des mots dessus et à en parler, y compris après le confinement. Il y a des managers aujourd’hui prêts à entendre cela.
Et le rapport à son entreprise et à son travail, comment change-t-il ? Beaucoup de salariés auront le sentiment d’avoir vu le « vrai visage » de leur entreprise, en bien ou en mal, en tout cas un visage qu’ils ne voient pas souvent. Il y aura beaucoup de fierté chez ceux qui ont contribué – à travers elle – à l’effort collectif, et leur sentiment d’appartenance sera renforcé. Pour d’autres, il y aura des questionnements sur leur vie professionnelle, le sens de leur travail et une question : « est-ce que j’ai envie de continuer à travailler pour cette entreprise ? ». Pour autant, est-ce que les gens vont chercher à changer de job ? C’est difficile à dire car cela dépendra notamment de la situation économique. Selon le contexte, soit il y aura beaucoup de changements, soit les gens remiseront leurs envies dans un petit placard.
Cette interview est extraite du numéro 2 de notre newsletter Passerelles.