Depuis quelques années, les organisations développent un discours sur le « co » : collaboration, co-construction, intelligence co-llective, … Ce discours, comme beaucoup de consultants, je le défends et je continuerai à le faire. Car les organisations ont trop longtemps souffert – et pour beaucoup souffrent encore – d’une tendance au cloisonnement, à la séparation entre « ceux qui pensent » et « ceux qui exécutent », voire à une compétition interne malsaine. Il est nécessaire de rappeler que la réflexion s’enrichit de l’échange, de la diversité des expériences et des points de vue, de la confrontation des idées et de la volonté d’avancer ensemble (et non chacun dans son couloir de nage).
Cependant, je constate aujourd’hui ce qui semble être le revers de la médaille de la progression du « co » : la difficulté à assumer que certaines décisions ou responsabilités relèvent, in fine, d’une personne ou d’un groupe de personnes (mandatées et rétribuées pour cela). Or il y a là un enjeu d’efficacité : dans une équipe, lorsqu’une mission relève de la responsabilité collective, elle n’est en fait assumée par personne et donc exécutée partiellement, voire pas du tout. Un exemple concret : pour être efficace, une réunion d’équipe suit un process qui définit ses modalités de préparation (envoi de l’ordre du jour avant, préparation des interventions, …), son déroulement (nombre et durée des séquences, modes de décision, …), ses suites (rédaction et envoi du compte-rendu, suivi des décisions, …). Si la responsabilité de ce process n’est pas confiée à un membre de l’équipe, il n’est bien souvent pas respecté. Même lorsque l’équipe l’a conçu collectivement et qu’elle s’est engagée à le respecter. Car celle-ci a besoin qu’une personne incarne la responsabilité qu’elle s’est donnée. Sinon cette responsabilité se dilue et finit par disparaître.
Autre limite au tout « co » : il peut conduire à réprimer ses besoins individuels, et notamment celui de développer ses talents et de construire son parcours. Je suis assez frappée de constater que, lorsqu’il s’agit de construire une nouvelle organisation d’équipe ou de mettre en oeuvre un changement, la réflexion reste souvent à un niveau collectif. Il est bien sûr, dans ces deux cas de figure, indispensable de s’aligner sur un objectif partagé, commun. Pour autant, il est vain de penser que les intérêts individuels peuvent se dissoudre dans l’intérêt collectif. Et ce n’est d’ailleurs pas souhaitable. La réussite d’un projet collectif, quel qu’il soit, dépend de la capacité des acteurs à transcender leurs intérêts individuels. C’est à dire à les dépasser, mais en les incluant, pas en les niant. Ainsi, être dans le « co » ne signifie pas s’oublier, mais chercher le bon équilibre (et la bonne synergie) entre réussite collective et épanouissement individuel.